Des recueils de poèmes lus en 2023 et dont je n’ai pas encore parlé, j’avais l’impression que celui de François Coudray, Ça veut dire quoi partir (éditions Alcyone), était celui qui répondrait le mieux au sentiment qui a prédominé dans ma vie et dans celle de mon entourage depuis le 7 octobre, et j’attendais impatiemment de pouvoir le relire afin de confirmer ce sentiment, car quand les choses se confirment, on est rassuré. Ce sentiment, c’était que nous n’arriverions peut-être pas, cette fois-ci, à survivre au deuil et au chagrin. Comment survivre à la mort d’un être proche ? Comment continuer ?
Ces poèmes de deuil de François Coudray sont sculptés avec la perte et l’absence d’un être cher – le frère. Leur matière est spirituelle – de par leur noyau d’égarement – autant que corporelle – de par la recherche désespérée de la chaleur perdue.
Heureusement, cette quête passe par la langue, et la langue, comme l’eau, trouve toujours la sortie, la lumière, sinon nous n’écririons ni ne lirions plus rien. La langue de François Coudray a été filtrée, créée et aiguisée par la solitude, le manque, le désespoir, les souvenirs qui réveillent la douleur, la remise en question de soi, les regrets, la perte des repères, le choc, le sentiment de vide et l’espoir de trouver quelque chose de positif dans la perte et l’absence.
La langue de François Coudray s’est élevée dans l’escalade et la traversée des montagnes du deuil, pour en ressortir cristalline et condensée. « Comment le mot « chagrin » peut-il dépeindre ce qu’est le chagrin ? », s’est demandé le poète chinois Li Qingzhao. François Coudray s’est sûrement posé la même question en cherchant les mots justes pour saisir la nature de sa peine immense. Sa parole nous éclaire sur ce qu’il a découvert durant l’épreuve qu’il a traversée, et son interprétation poétique du deuil offre des métaphores qui aident à le comprendre et à lui faire une place dans nos vies.
Il est bénéfique à tout cœur brisé de boire les poèmes de Ça veut dire quoi partir, car ils agissent comme une caisse de résonance dans laquelle les sentiments de l’auteur peuvent rejoindre ceux de lecteurs en quête de sens après un deuil douloureux dont ils ont eux-même fait l’expérience. Remercions leur auteur pour cette consolation inespérée.
(Sabine Huynh, 9 janvier 2024)
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