
Qui est cette Drunk Daddy’s Girl ? Fille à papa ivre, fille de père ivrogne, ou peut-être les deux ? Il “buvait trop”, “elle noie ses émotions dans la boisson”. La cure de désintox n’est pas loin. La beauté non plus, mais jamais là où l’on s’attend à la trouver. Valises, bus, trains, avions, lits vides… La solitude la pousse à enfiler de grosses chaussettes en laine en plein mois de juin. Elle a froid et dort la fenêtre ouverte. Elle a chaud et rêve de ramer dans une mer qui “bout à moins 18”. Elle est trop grosse puis trop maigre, elle boit de la bière car le vin est trop cher, elle arrête de manger tout un été, sa mère ne la reconnaît pas.
Comme la Suzanne chantée par Leonard Cohen, cette Drunk Daddy’s Girl au grand cœur est à moitié folle et elle t’emmène chez elle au bord de l’eau. Elle ne saurait vivre loin de l’eau. Elle s’endort au son du ressac et fait des songes étranges où se mêlent le désir et les souvenirs. Vêtue d’une robe jonquille, elle aspire à l’amour, à rester mouillée pour toujours.
Drunk Daddy’s Girl a treize ans tout comme elle en a mille, elle l’a échappé belle et elle le sait. Elle est comme un brasier qui renferme un petit stalactite. Elle est un paradoxe truculent qui sait qu’une seule lettre différencie lovely de lonely, vie de nie, croire et douter.
Drunk Daddy’s Girl est un recueil étonnant qui exsude une liqueur sucrée de sueur, de sève et de larmes : Madara Gruntmane écrit comme une sorcière compose des charmes puissants, ou une musicienne des morceaux à l’intranquillité enivrante. Ce deuxième recueil donne sacrément envie de lire le premier, Narcoses.
Drunk Daddy’s Girl a été traduit du letton vers l’anglais par Mārta Ziemele et Richard O’Brien et publié par Poetry London Editions en 2024.
(Sabine Huynh, 30 avril 2025)
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