Topologies – Contes d’Athènes (Le Castor Astral) de Joanna Dunis m’a marquée par sa force, sa fraîcheur et son originalité. Cela peut paraître banal d’introduire un livre avec ces mots galvaudés, mais la langue française n’en a hélas pas d’autres pour dire cela précisément, et j’ai été réellement frappée et ravie par la grande vitalité et la singularité des poèmes de Topologies, des poèmes qui, après une tabula rasa – la surface considérable de la mer des séparations ; la stèle grise centrale du livre –, créent de nouveaux liens dans la temporalité d’un nouveau lieu, qui n’est autre que la cité antique des philosophes. J’ai beaucoup aimé cette juxtaposition et la friction de l’ancien et du moderne opérée par Joanna Dunis dans son texte.
Enfin une voix nouvelle, me suis-je dit en lisant Topologies ; une voix discrète et sans masque, loin des minauderies saugrenues qui abondent actuellement sur les scènes diverses ; une voix profonde qui ne copie aucune voix ; une langue qui creuse une voie bien à elle, sans esbroufe ; une parole honnête et pure ; une poésie vraie, qui arrache le sommet de la tête quand on la lit, comme dirait Emily Dickinson. Enfin une révolution dans le paysage de la poésie en langue française, me suis-je dit. Et pourtant, on en a à peine entendu parler.
Ces « contes d’Athènes » peuvent être lus comme des rêves, car comme dans les rêves se côtoient la poésie, la prose, l’enthousiasme, la tragédie et l’absurde, ainsi que l’obstination d’une quête de la félicité, aussi effrénée qu’elle est empêchée par des obstacles divers. Joanna Dunis est une poète à suivre dans cette recherche de la joie qui passe par celle de la forme.
On sent, en lisant Topologies, un grand courage, malgré la vulnérabilité et la fatigue immémoriale non déguisées, toutes deux transcendées dans des vers libres qui ont le récit au cœur. J’ai pensé, en lisant, que la poète avait tiré de toutes ses forces sur la ficelle, tendue au maximum, jusqu’à ce que quelque chose se déchire dans sa voix, mais sans craquer, et qu’une nouvelle langue naisse de cette pugnacité, une langue assouplie et libre.
Ainsi, je crois que Topologies est un recueil qui tient de l’optimisme des stoïciens, car la quête frénétique du bonheur qui s’y déploie est aussi une fuite, pour veiller sur une liberté dûment méritée car durement acquise. Lisez-le, vous serez emportés.
Tout ira bien, parce que la lune, l’Odéon et la mer.
Topologies – Contes d’Athènes (Le Castor Astral), Joanna Dunis.
(Sabine Huynh, 13 janvier 2024)
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