Survivre à son histoire / Surviving Her Story – Karen Alkalay-Gut

Survivre à son histoire / Surviving Her Story

Poems by Karen Alkalay-Gut

Éditions de Corlevour, 2020 (édition bilingue anglais-français). Ouvrage publié avec le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.

Translated from English to French by Sabine Huynh.

Lire la note de lecture d’Angèle Paoli dans la revue de critique et de poésie Terres de femmes : Survivre à son histoire.

Lire un poème extrait du recueil : Exil, publié dans la revue de critique et de poésie Terres de femmes.

Note de Sabine Huynh :

J’ai été heureuse traduire ces poèmes narratifs qui explorent la répercussion des traumatismes engendrés par la Shoah et le sentiment de responsabilité éprouvé par les enfants de rescapés ou de survivants : responsabilité de raconter ce qu’ils ont ressenti, leurs souvenirs, ainsi que l’histoire de leur famille, de leurs voisins et amis ; responsabilité, en somme, de transmission des voix et des témoignages. Ils montrent aussi comment la vie et la conscience des générations suivantes sont affectées par la violence de l’expérience endurée par leurs parents et grands-parents, et posent la question du positionnement de ces générations à l’égard à la fois des témoignages qu’ils ont reçus, ou pas, et de l’héritage culturel juif, menant à réfléchir sur une éventuelle « identité holocaustienne ».

Karen Alkalay-Gut a pu rassembler et livrer des récits inédits sur une guerre dont on ne peut faire l’expérience uniquement « par procuration » et à travers ses conséquences, très lourdes, conséquences que la génération qui a vécu cette guerre porte en elle. Ainsi, le livre, issu d’une recherche mémorielle et littéraire, fournit des angles de vision et des histoires qui sont personnels, inédits (pas encore dits), parce provenant de l’intérieur d’une cellule constituée de proches, et qui vont au-delà des images et des clichés périlleux représentant communément l’Holocauste. Ce livre permet de préserver et de transmettre d’une manière inédite car poétique des histoires vécues avant, pendant et après la guerre, d’entrer dans la complexité des voix, des émotions et des enjeux, tout en illustrant certaines des conséquences à long terme de la guerre.

Les expériences de vie que Karen Alkalay-Gut a partagées avec des survivants de la Shoah lui ont confirmé que ses propres histoires, intimes, héritées de sa famille, se rapportant à l’Holocauste, et d’une manière générale les souvenirs directement liés à la Shoah, possèdent une valeur historique indéniable. Karen Alkalay-Gut est à la poésie israélienne ce qu’Anne Sexton et Muriel Ruckeyser sont à la poésie américaine : une poésie « confessionnelle » et « documentaire » au plus près du réel et de l’humain.

En choisissant le genre de la poésie narrative, Karen Alkalay-Gut ouvre des voies peu explorées car elle offre un traitement personnel du sujet de la guerre et de la Shoah, moins distancé que le traitement historique, ce qui lui permet de toucher un auditoire plus large. De plus, la poésie permet, grâce à ses procédés stylistiques, de mieux rendre à la fois le caractère fragmentaire et parfois incohérent des flashes mémoriels, des récits incomplets, et la diversité et singularité des voix. Il s’agit de poèmes contenant la parole de survivants, de leurs ancêtres et descendants, mais aussi de personnes qui n’ont pas survécu à la guerre, ou qui y ont survécu, sauf que les traumas psychiques ont eu raison d’eux.

Parce qu’ils offrent un angle de vue intensément personnel sur la façon dont la Shoah a affecté les rescapés et leurs descendants, ces textes constituent un ensemble qui pourrait être utile à l’étude du transgénérationnel, auprès des chercheurs en psychologie par exemple, ainsi que des ethnopsychiatres, et, d’une façon plus générale, auprès de toute personne s’intéressant à la culture juive, à l’histoire de la guerre et aux conséquences de la Shoah, dans les domaines des sciences sociales et humaines.

Sabine Huynh

DEDICATION
 
You whom I could not save
Listen to me.
Try to understand this simple speech as I would be ashamed of another.
I swear, there is in me no wizardry of words.
I speak to you with silence like a cloud or a tree.
 
What strengthened me, for you was lethal.
You mixed up farewell to an epoch with the beginning of a new one,
Inspiration of hatred with lyrical beauty;
Blind force with accomplished shape.
 
Here is a valley of shallow Polish rivers. And an immense bridge
Going into white fog. Here is a broken city;
And the wind throws the screams of gulls on your grave
When I am talking with you.
 
What is poetry which does not save
Nations or people?
A connivance with official lies,
A song of drunkards whose throats will be cut in a moment,
Readings for sophomore girls.
 
That I wanted good poetry without knowing it,
That I discovered, late, its salutary aim,
In this and only this I find salvation.
 
They used to pour millet on graves or poppy seeds
To feed the dead who would come disguised as birds.
I put this book here for you, who once lived
So that you should visit us no more.
 
— Czesław Miłosz,Warsaw, 1945

Czesław Miłosz’s “Dedication,” in his own translation.

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