Comanche, de Caroline Diaz, est un texte inclassable, et ce mot devrait vous le rendre d’emblée sympathique. On peut dire que c’est un récit, on peut aussi dire que c’est un journal étrange, un journal à la troisième personne, celui d’un étranger, on peut encore dire que c’est une quête émotionnelle, et une enquête sensible.
Le texte, à l’écriture précise et sobre, qui rappelle Patrick Modiano et Georges Perec, s’ouvre sur la mort d’un père mystérieux, celui de la narratrice. Surnommé « le cowboy », ce pilote de Comanche un peu volage, un peu artiste, d’après la légende (« la mythologie qui s’effrite », dit Caroline Diaz), qui existe pour ne pas que l’on (se) pose trop de questions, aurait été un aventurier, un héros, un homme fuyant et souriant – l’homme idéal ? Un homme au « corps intact », malgré le terrible accident.
Voix, images (vieilles photos de famille retrouvées presque par hasard, par miracle) et odeurs (de cigarette, de Kool menthol, de sable, de tabac blond, d’encens, de tôle, d’essence, de café) sont tissées dans Comanche ; beaucoup de noms de personnes et de lieux résonnent dans les creux obscurs de l’enfance : l’Algérie, la France, le Canada, le Maroc, L’Amérique, l’Allemagne ; des histoires d’exil traversées par l’Histoire.
Comanche est finalement, et surtout, un livre de questions, dont celles-ci, entre autres : qu’est-ce que c’est, au fond, que la famille ? Comment s’en émanciper pour se construire ? Peut-on trouver sa voie/voix sans souvenirs d’enfance ? Comment retrouver le singulier au milieu des tragédies de l’Histoire ?
Je retiens ces deux citations : « se souvenir d’Alger ce sera l’inventer », et « Il n’y a pas de fiction possible entre nous, il y a cette place que tu prends, seulement cette place immense de père. »
Merci à Caroline Diaz pour ce beau texte.
(Sabine Huynh, 11 janvier 2024)
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