Des poèmes d’Emily Dickinson en français

My Emily Dickinson in French

Cette édition de 1999 des poèmes d’Emily Dickinson m’a été offerte par trois enfants à qui j’enseignais le français à Cambridge, dans le Massachusetts : Natalie, Susannah et Michael, âgés respectivement de quatre, cinq et six ans. À l’intérieur du livre, ils avaient collé une petite enveloppe « Baker & Taylor » de couleur crème dans laquelle ils avaient inséré chacun une petite carte avec un dessin, leur nom et leur adresse. Leurs parents se connaissaient, ils travaillaient tous à l’université de Harvard ou à Radcliffe College (je crois que la mère de Susannah faisait son doctorat là-bas). Je ne me souviens pas quand ils m’ont fait ce beau cadeau, mais c’était soit l’année de sa parution, en 1999, soit en l’an 2000, soit en 2001, pas plus tard, car en août 2001 j’ai quitté les États-Unis pour Jérusalem, en Israël.

Cela fait donc une vingtaine d’années que je lis les poèmes d’Emily Dickinson, que j’y reviens sans cesse, que je tourne autour, qu’ils m’intriguent, m’émerveillent, me fascinent, me font réfléchir. Ces dernières années, ils n’ont guère quitté mon bureau, j’en avais de plus en plus besoin, peut-être pour me reposer des poèmes-fleuve d’Anne Sexton, dont j’ai traduit les quatre premiers recueils, qui paraissent dans quelques jours aux éditions des Femmes sous le titre de Tu vis ou tu meurs.

Aujourd’hui, sur un coup de tête, j’ai décidé de traduire tous les poèmes d’Emily Dickinson se trouvant dans The Poems of Emily Dickinson, édité par R. W. Franklin, pour la même raison que j’avais décidé de traduire l’œuvre complète d’Anne Sexton : pour dialoguer avec, pour travailler avec, pour apprendre avec, pour avoir une relation avec, bref, pour vivre avec elle.

Quelques heures plus tard, je me dis que l’entreprise risque de me prendre plus de temps que je n’en aurai – la poète qui n’a publié que 10 poèmes de son vivant en a écrit 1789 – , surtout que j’aimerais aussi reprendre ma traduction d’Orlando, de Virginia Woolf (d’aucuns s’en souviendront peut-être, j’avais démarré ce projet de traduction le 1er mars 2014, je mettais au fur et à mesure les phrases traduites sur un blog qui n’existe plus aujourd’hui).

Ainsi, je me contenterai pour commencer de ne traduire que les poèmes qui me plaisent, me touchent ou me subjuguent le plus (comme je le fais avec les Dream Songs de John Berryman), et nous verrons bien pour le reste. C’est la vie qui décidera en fin de compte, des poèmes, de leur traduction, du rythme. Je précise que je traduirai Dickinson sans jamais me référer aux traductions qui existent déjà (dans ma bibliothèque j’ai celles, remarquables, de Claire Malroux et de Charlotte Melançon, que je n’ai jamais relues après les avoir lues, alors que je reviens sans cesse aux poèmes en anglais). Je ne retraduis pas pour faire mieux que mes prédécesseurs, je retraduis pour traduire, pour faire mes gammes, par amour du texte et de la tâche, et aussi pour voir le résultat de l’alchimie qui se produit entre le texte et ma propre sensibilité, ma façon de voir le monde et d’écrire de la poésie, car mon travail est avant tout un travail de poète (qui continue à apprendre à écrire en traduisant).

Traductions que j’ai à la maison : Car l’adieu, c’est la nuit, par Claire Malroux, et Escarmouches, par Charlotte Melançon.

Traductions dont j’ai entendu le plus grand bien : celles de François Heusbourg, celles de Philippe Denis, et celles de Françoise Delphy.

Lecteurs, lectrices, merci d’être là. J’ai dans mes tiroirs quantité de poèmes d’Emily Dickinson que j’ai traduits. Quand j’ai le temps, j’en révise un ou deux et le dépose sur cette page. Je vous invite donc à repasser de temps en temps par ici : non seulement je rajouterai des poèmes, mais je serai aussi peut-être amenée à remanier les versions déposées sur cette page.

(Sabine Huynh. Tel Aviv, 7 janvier 2022)

From: « 3 Notes on Poetry ». In: Outside Stories, 1987-1991. By Eliot Weinberger.
Ninth Poem in Fascicle 34, in: My Emily Dickinson, by Susan Howe (New Directions, 1985)
Emily Dickinson, daguerreotype taken in 1847, when she was 16 (Amherst College Archives and Special Collections) https://hyperallergic.com/56511/have-researchers-found-a-new-photo-of-emily-dickinson/

43 poèmes déposés ici depuis le 07/01/2022

17
 
C’est tout ce que j’ai pour aujourd’hui—
Ceci, et mon cœur aussi—
Ceci, et mon cœur, et tous les champs—
Et toutes les vastes prairies—
Rassure-toi tu comptes—si j’oubliais
Quelqu’un la somme le dirait—
Ceci, et mon cœur, et toutes les Abeilles
Qui dans le trèfle veillent.

11/02/2022

31
 
Pour celui qui garde un cœur d’Orchidée sauvage—
En juin les marécages sont rose poudré.

21/12/2023

56
 
J’ai une flèche ici.
Adorant la main qui l’a décochée
Moi la fléchette je chéris.
 
Tombée, diront-ils, sous le «  choc » !
Vaincue, mon âme se reconnaîtra
Juste à un simple harpon
Lancé par l’arc d’un cupidon.
 

10/10/2022

71
 
Mon amie est sûrement un Oiseau—
Car elle vole !
Mortelle, mon amie l’est sûrement—
Car elle meurt !
Des barbillons elle a, comme une Abeille !
Oh, curieuse amie !
Tu me troubles fort !

11/02/2022

80 (première version)
 
Je me cache—au sein de ma Fleur,
Celle que tu portes sur ton Sein,
Toi sans le savoir me portes aussi—
Et les Anges savent le reste
 
80 (deuxième version)
 
Je me cache—au sein de ma Fleur,
Celle qui fane dans ton Vase—
Toi—sans le savoir—tu ressens pour moi
Presque—de la nostalgie—

25/12/2023

116
 
Notre part d’ombre à porter—
Notre part d’aube—
Notre creux de bonheur à combler,
Notre creux d’absurdité—
 
Ici une étoile, et là une étoile,
Certaines s’égarent !
Ici une buée, et là une buée—
Et après—la Clarté !

01/03/2022

122
 
Ce sont les jours du retour des Oiseaux—
Juste quelques-uns—un Oiseau ou deux—
Pour jeter un regard en arrière.
 
Ce sont les jours du retour de cieux
Anciens—anciens sophismes de juin—
Une erreur bleue et dorée.
 
Ô tricherie qui ne trompe pas l’Abeille.
Votre vraisemblance
Invite presque ma croyance,
 
En attestent même des grappes de graines—
Et doucement dans l’air altéré
Se précipite une feuille timide.
 
Ô sacrement de jours d’été,
Ô Dernière Communion dans la Brume—
Permettez à une enfant de se joindre—
 
Vos emblèmes sacrés de connaître
Votre pain sacré de consommer
Et votre vin immortel !
 

07/01/2022

205
 
Viens lentement—Éden !
Des lèvres pas habituées à Toi—
Timorées—sirotent tes Jasmins
Comme l’Abeille se pâmant—
 
Arrivée tardivement à sa fleur,
Bourdonne autour de sa chambre—
Estime ses délices—
Pénètre—et s’abîme dans les Baumes.

19/12/2023

260
 
Je suis Personne ! Qui es-tu ?
Es-tu—Personne aussi ?
Alors nous sommes deux !
Ne dis rien ! cela se répandrait—tu sais !
 
Comme c’est assommant—d’être—Quelqu’un !
Comme c’est impersonnel—telle une Grenouille—
De dire son nom—tout le mois de juin durant—
À un Marécage ravi !

16/01/2022

269
 
Nuits fauves—Nuits fauves !
Si j’étais avec toi
Les nuits fauves seraient
Notre luxure !
 
Légers—les vents—
Pour un Cœur au port—
Fi de la Boussole—
Fi de la Carte !
 
Nager dans l’Éden—
Ah—la Mer !
Puissé-je amarrer—ce soir—
En toi !

29/01/2022

314
 
« L’Espoir » est cette chose avec des plumes—
Qui est perchée sur l’âme—
Et fredonne un air sans paroles—
Et ne cesse—jamais—
 
Et si doux—dans la Tourmente—on l’entend
Et féroce doit être la tempête—
Pour faire taire le petit Oiseau
Qui en a réchauffé tant—
 
Je l’ai entendu sur la terre la plus froide—
Et sur la Mer la plus étrange—
Pourtant—jamais—même en cas Extrême,
N’a-t-il quémandé une seule miette—de moi.

29/01/2022

320
 
La lumière tombe Oblique,
Les Après-midi d’hiver—
Elle oppresse, comme la Lourdeur
Des Airs de Cathédrale—
 
Douleur Divine, elle nous donne—
Sans laisser de marque,
Autre qu’un désaccord interne—
Là où le Sens, se trouve—
 
Personne ne peut l’enseigner—du tout—
C’est le Sceau du Désespoir
Une affliction impériale
Envoyée de Là-haut—
 
Quand il advient, le Paysage écoute—
Les Ombres retiennent leur souffle—
Quand il s’en va, c’est comme la Distance
Dans les yeux de la Mort—
 

29/01/2022

336
 
Avant que mon œil ne s’éteignît—
J’aimais voir autant que
D’autres créatures, pourvues d’yeux—
Et ne sachant faire autrement—
 
Mais si on me disait, Aujourd’hui,
Que je pourrais avoir le Ciel
Pour moi, je vous dirais que mon Cœur
Serait brisé par sa taille, si petite est la mienne—
 
Les Prairies—miennes—
Les Montagnes—miennes—
Toutes les Forêts—les Infinies étoiles—
Autant de soleil de midi, que je pourrais contenir—
Entre mes yeux limités—
 
Les Mouvements des Oiseaux Plongeant—
La Route Ambrée du Matin—
Pour moi—à contempler quand bon me semble,
La nouvelle me tuerait sur le coup—
 
Donc plus sûr—je suppose—juste avec mon âme
Pressée contre le carreau de la fenêtre
Là où d’autres créatures posent leurs yeux—
Insouciantes—du Soleil—

11/01/2022

340
 
Je sentis un Enterrement, dans mon Esprit,
Et des Endeuillés aller et venir
Leurs pas—leurs pas—même qu’il sembla
Que l’Entendement passa à travers—
 
Et quand ils furent tous assis,
Un Service, comme un Tambour—
Ne cessa de battre—battre—même que je crus
Que mon cerveau s’engourdissait—
 
Et je les entendis soulever une Caisse
Et un grincement parcourut mon Âme
Avec ces mêmes Bottes de Plomb, encore,
Puis l’Espace—commença de résonner,
 
Comme si les Cieux étaient une Cloche,
Et l’Être, plus qu’une Oreille
Et moi, et le Silence, quelque étrange Lignée
Naufragée, solitaire, ici—
 
Et ensuite une Planche de la Raison, céda,
Et je m’écroulai, je tombai, et tombai—
Et je heurtai un Monde, à chaque niveau,
Et Cessai de savoir—alors—

12/01/2022

360
 
L’Âme a parfois besoin d’être Bandée—
Quand trop horrifiée elle flanche—
Elle sent monter un Effroi mortel
Qui freine pour la fixer—
 
La saluer, avec ses doigts fins—
Caresser ses cheveux froids—
Bois, Gobelin, des lèvres
Que l’Amant—a effleurées
Il est abusif, qu’une pensée si horrible
Soit confrontée à un Sujet—si—Beau
 
L’Âme a parfois besoin de s’échapper—
Quand elle force toutes les portes—
Elle danse comme une Bombe, en tous sens,
Et se balance sur les Heures,
 
Comme le fait l’Abeille—s’élevant ivre—
Longtemps un Donjon entre elle et sa Rose—
Atteint la Délivrance—puis ne connaît plus que—
Le Soleil de midi, et le Paradis—
 
Les moments où l’Âme est à nouveau captive—
Quand Félonne, emmenée,
Avec des fers à ses pieds plumeux
Et des entraves, à sa Chanson,
 
L’Horreur l’accueille, à nouveau,
Ceux-là, la Langue ne les brait pas—

06/07/2022

372
 
D’une grande douleur découle un sentiment formel—
Les Nerfs se tassent, austères, comme des Tombes—
Le Cœur raide demande : était-ce Lui, qui a résisté,
Et Hier, ou des Siècles auparavant ?
 
Les Pieds, mécaniques, tournent en rond—
Un chemin de Bois
De Terre, d’Air, d’Insignifiance—
Rendus apathiques,
Un bien-être de Quartz, de pierre—
 
C’est l’Heure de Plomb—
Remémorée, si supportée,
Comme les personnes Gelant, se souviennent de la Neige—
D’abord—le Froid—puis la Torpeur—puis l’abandon—

05/07/2022

380
 
Aucune des lettres que j’écris
N’est aussi belle que ceci—
Syllabes de velours—
Phrases d’étoffes soyeuses,
Intensité de rubis, intacte,
Cachée, Lèvre, pour Toi—
Joue avec comme un Colibri—
Et qui aurait bu—moi—

07/01/2022

445
 
Ils m’ont enfermée dans la Prose—
Comme quand petite Fille—
Ils m’enfermaient dans le Placard—
Afin que je reste « tranquille »—
 
Tranquille ! S’ils avaient pu m’espionner—
Et voir mon Cerveau—tournoyer—
Ils auraient tout aussi bien pu mettre un Oiseau
En Prison—pour Trahison—
 
Lui-même n’a qu’à le vouloir
Pour, aussi facilement qu’une Étoile
Baisse les yeux sur la Captivité—
En rire—Je n’ai pas fait moins que cela—

23/12/2023

466
 
Je demeure dans le Possible—
Une Maison plus belle que la Prose—
Avec davantage de Fenêtres—
Plus vaste—avec pour Portes—
 
Des Chambres les Cèdres—
Impénétrables pour les Yeux—
Et pour Toit perpétuel—
Les Voûtes du Ciel—
 
Pour Visiteurs—les plus beaux—
Pour Vocation—Ceci—
Ouvrir mes modestes Mains
Afin de cueillir le Paradis—

23/12/2023

469
 
Mon Jardin—comme la Plage—
Dénote que là est—une Mer—
Ça c’est l’Étée—
Telles que Celles-ci—les Perles
Elle ramène—telle que Moi

10/01/2022

477
 
Il tripote votre Âme
Comme un pianiste les Touches—
Avant que toute la Musique soit lâchée—
Il vous étourdit par degrés—
 
Prépare votre nature friable
Au Coup éthéré
Avec un Martèlement ténu—éloigné—
Puis de plus en plus proche—Puis si lent
 
Votre souffle—a le temps de reprendre—
Votre Cerveau—de refroidir—
Puis il jette—Un—majestueux—Éclair—
Qui scalpe la peau de votre Âme nue—
 
Quand les Vents tiennent les Forêts entre leurs Pattes—
L’Univers—est immobile—

03/06/2022

479
 
Comme je ne pouvais m’arrêter pour le Faucheur—
Il s’arrêta gentiment pour moi—
Dans le Carrosse il n’y avait que Nous—
Et l’Immortalité.
 
Nous roulions lentement—Il n’était pas pressé
Et j’avais abandonné
Mon ouvrage et mes loisirs aussi,
Pour cet être fort Civil—
 
Nous passâmes devant l’École, où des Enfants jouaient
Pendant la Récréation—en Cercle—
Nous passâmes devant les Yeux des Champs Cultivés—
Nous passâmes devant le Soleil Couchant—
 
Ou plutôt—c’est Lui qui Nous dépassa—
La Rosée se forma, froide et frémissante—
Comme moi avec ma Robe de Gaze—
Mon Châle—juste en Tulle—
 
Nous nous arrêtâmes devant une Maison évoquant
Une Butte sortie de Terre—
Le Toit était à peine visible—
La Corniche—dans la Terre—
 
Depuis—des siècles ont passés—pourtant
Il semble que moins d’un Jour ne s’est écoulé
Depuis celui où je compris que les Chevaux
Se dirigeaient vers l’Éternité—
 

11/02/2022

519
 
Ceci est ma lettre au Monde
Qui ne M’a jamais écrit—
Ce que m’a Conté la Nature—
Avec tendresse et Majesté
 
Son Message est confié
À des Mains que je ne peux voir—
Par amour pour Elle—Chers—concitoyens—
Soyez indulgents—avec Moi

29/01/2022

558
 
Un Visiteur de Marne—
Qui façonne les Fleurs—
Qu’elles soient des Bustes parfaits—
Et aussi fines—que du Verre—
 
Qui vient pendant la Nuit—
Et juste avant le Soleil—
Conclut son entretien étincelant—
caresse—et n’est plus là—
 
Mais celles que ses doigts ont touchées—
Et les zones que ses pieds ont foulées—
Et chacune des Bouches qu’il a embrassées—
C’est comme si elles n’avaient point existé—

22/12/2023

591
 
J’entendis une Mouche vrombir—à ma mort—
Le Calme dans la Chambre
Était comme le Calme dans l’Air—
Entre les Tumultes de l’Orage—
 
Les Yeux autour—avaient été essorés—
Et les Souffles étaient retenus fermement
Pour ce dernier Moment—où le Seigneur
Comparaîtrait—dans la Chambre—
 
Je léguais mes Biens—Signais pour donner
Chaque portion de moi qui pouvait  
Être Assignable—et ce fut alors
Que s’interposa une Mouche—
 
Avec du Bleu—incertaine—butant elle Vrombit—
Entre la lumière—et moi—
Ensuite les Fenêtres se voilèrent—ensuite
Je ne pouvais plus voir pour voir—

29/01/2022

605
 
Je suis en vie—je crois—
Les Branches de mes Mains
Sont pleines de Belles-de-Jour—
Et au bout de mon doigt—
 
Le Carmin—chaud picote—
Et si je porte un Verre
À ma bouche—il bue—
Médicale—preuve de Souffle—
 
Je suis en vie—car
Je ne suis pas dans une Chambre—
Le Parloir—communément—c’est—
Pour recevoir des Visiteurs—
 
Qui se penchent—et regardent de biais—
Et ajoutent « Si froide—elle est »—
Et « Était-elle consciente—en entrant
Dans l’Immortalité ?
 
Je suis en vie—car
Je n’ai pas Demeure—
À mon propre nom—exclusive—
Et ne convenant à nulle autre—
 
Et portant mon nom de Jeune Fille—
Pour que les Visiteurs trouvent
Ma Porte—et n’essaient pas—
Avec une autre Clé—
 
Il est si bon—d’être en vie !
Il est si infini—d’être
En vie—deux fois—être Née—
Et ceci—en plus, en Toi !

29/01/2022

628
 
Il est de Coutume en se séparant
Une bricole—d’accorder—
Elle aide à ranimer la flamme—
Quand les Amants sont éloignés—
 
Elle varie—les goûts varient—
Clématite—voyageant loin—
Me présente une seule Boucle
De ses Cheveux Électriques—

10/10/2022

641
 
Ce que je peux faire—je le ferai—
Fût-ce de la taille d’une Jonquille—
Ce que je ne peux pas—doit être
Inconnu du possible—

09/01/2022

690
 
À jamais—est fait d’Aujourd’huis—
Ce n’est pas un autre temps—
Sauf pour l’Infinitude—
Et la Latitude de la Maison—
 
De ceci—vécu Ici—
Retirer les Dates—à Cela—
Laisser les Mois se fondre en d’autres Mois—
Et Années—expirer en Années—
 
Sans Querelle—ni Répit—
Ou Jours de Fête—
Nos Années se confondraient
Avec l’Anno Domini—

21/12/2023

798
 
Les Veines d’autres Fleurs
Les fleurs écarlates sont
Jusqu’à ce que la Nature use de Mots
Comme “Branche” et “Jugulaire”.
 
Nous passons et elle perdure.
Nous imitons Son Art
Tandis qu’Elle crée et contrôle
Sans une syllabe—

20/12/2023

800
 
Je n’ai jamais vu la Lande.
Je n’ai jamais vu la Mer—
Mais je vois ce qu’est la Bruyère
Et je sais ce qu’est la Houle—
 
Je n’ai jamais parlé avec Dieu
Ni été au Paradis—
Mais je sais où se trouve l’endroit
Comme si j’avais les Billets pour m’y rendre—
 

20/12/2023

861
 
Ils disent que « le Temps apaise »—
Le Temps jamais n’a apaisé—
Une vraie souffrance s’endurcit
Comme les Nerfs, avec l’Âge—
 
Le Temps Confirme la Confusion—
Au lieu de la Calmer—
Si cela il affirme, il affirme aussi
Qu’il n’y avait pas de Maladie—

28/12/2023

876
 
Être vivante—est une Force—
L’existence—en soi—
Sans autre fonction—
L’omnipotence—Assez—
 
Être vivante—et le vouloir ! —
C’est être aussi puissante que Dieu—
Le Créateur—de Nous-mêmes—être quoi—
Une telle Finitude humaine !

21/12/2023

982
 
Si je peux empêcher un seul Cœur de se briser
Je n’aurai pas vécu pour rien
Si je peux délester une seule Vie de sa Douleur
Ou soulager ne serait-ce qu’une seule Souffrance
Ou aider ne serait-ce qu’un seul Merle assommé
À retrouver son Nid
Je n’aurai pas vécu pour rien

01/06/22

985
 
Ici, où les Marguerites couronnent ma Tête
C’est le meilleur endroit pour s’étendre
Et les Brins d’herbe qui fôlatrent dehors
Se désolent, un peu, pour Moi—

23/12/2023

1096
 
Un Type maigre dans l’herbe
Passe de temps en temps—
Vous l’avez peut-être rencontré ? Remarqué
Sa présence instantanée—
 
Les brins d’Herbe se séparent comme Peignés—
Une forme Élancée l’on devine,
Puis ils se referment à vos Pieds
Et s’ouvrent un peu plus loin—
 
Il aime les Terrains Marécageux—
Les Planchers trop froids pour le Maïs—
Mais quand j’étais petit Garçon et Pieds Nus
Plus d’une fois en plein Midi
 
J’ai vu je croyais une Lanière de Fouet
Détressée sous le Soleil
Lorsque je me baissais pour m’en saisir
Elle gigotait Et disparaissait—
 
De nombreuses Créatures de la Nature
Je connais et elles me connaissent
J’éprouve pour elles un transport
D’Affection
 
Mais je n’ai jamais rencontré ce Type
Seul ou accompagné
Sans avoir le Souffle court
Et sentir le Gel dans mes Os.

10/07/2022

1121
 
Le Ciel est bas—les Nuages sont vils.
Un Flocon de Neige à la Dérive
Dans une Grange ou une Tranchée
N’arrive pas à se décider où aller—
Un Vent ténu se plaint toute la Journée
De la façon dont il a été traité
On surprend parfois la Nature, comme Nous
Sans son Diadème—

28/12/2023

1184

Nous nous présentons
Aux Planètes et aux Fleurs
Alors qu’entre nous
Prime le décorum
La gêne
Et l’appréhension

22/12/2023

1263
 
Dis-leur toute la vérité mais dis-la obliquement—
La réussite se trouve dans la Circonlocution
Trop vive pour nos faibles Lumières
La Vérité et son éclatante surprise
Comme l’Éclair expliqué aux enfants
À l’aide d’éclaircissements
La Vérité doit éblouir petit à petit
Ou tous seront frappés d’aveuglement—

18/10/23

1565
 
Le Tube pâle du Pissenlit—
Sidère l’Herbe—
Et l’Hiver se transforme sur-le-champ
En Atlas infini—
Du Tube sort un Bourgeon éloquent
Puis une Fleur tonitruante—
La Proclamation des Soleils
Sur la fin de la sépulture—

25/12/2023

1570
 
Comme il est gai le petit Caillou
Qui se balade seul sur la Route,
Sans se soucier de la Carrière
Et sans jamais craindre les Requêtes—
Au Manteau d’un Brun basique
Dont l’a revêtu une Existence éphémère,
Il se lie ou brille seul,
Accomplissant un Destin inévitable
En toute simplicité—

25/12/2023

1747
 
Le fait qu’il n’y ait que l’Amour
Est tout ce que nous savons de l’Amour,
C’est suffisant, le faix doit être
Proportionnel à la faille.

16/01/2022

1779

Pour faire une prairie
il faut un trèfle et une abeille,
Un trèfle, et une abeille,
Et tomber en rêverie.
La rêverie suffira,
Si peu d’abeilles il y a.

16/01/2022
Emily Dickinson (1830-1886) Daguerrotype taken at about 1848.

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