Roman hybride / récit littéraire mâtiné de fiction.
Parution le 6 octobre 2022 aux éditions Maurice Nadeau, collection « À Vif » (dir. : Delphine Chaume). Foreign rights : Agence Deborah Druba.
Récipiendaire du Prix Jean-Jacques Rousseau de l’autobiographie 2023 et du Prix de la littérature de l’exil « Des racines et des mots » 2023 (le discours a été filmé et peut être vu ici : http://www.desracinesetdesmots.com/laureat-e-2023/ ), et finaliste du Grand Prix Littéraire Asie des écrivains de langue française 2024.
Elvis à la radio a fait partie des dix recommandations de lecture de l’été 2023 de l’Académie Goncourt.
Entretien avec Sébastien Rongier à la Maison de la poésie de Paris le 9-02-2023, pour la revue littéraire Remue.net : « Les incertitudes de la mémoire » (la vidéo de la rencontre a été mise en ligne, sur le site de Remue.net)
Sabine Huynh était l’invitée de Yasmine Chouaki dans son émission En sol majeur, sur RFI, à écouter ici : https://www.rfi.fr/fr/podcasts/en-sol-majeur/20240622-sabine-huynh-sur-le-radeau-po%C3%A9tique-des-boat-people
Ce que j’ai écrit le 6 octobre 2022, à la sortie de mon livre, Elvis à la radio :
Le moment tant attendu est arrivé : mon nouveau livre, un texte hybride (on peut l’appeler « roman » comme l’éditeur, ou « récit littéraire mâtiné de fiction ») paraît ces jours-ci aux prestigieuses éditions Maurice Nadeau, dans une nouvelle collection, « À vif », qui compte déjà trois titres, dont le mien : Elvis à la radio.
J’ai mis de longues années à lui trouver la forme qu’il a aujourd’hui. J’avais déjà commencé à l’écrire alors que j’écrivais ma thèse de doctorat, il y a une quinzaine d’années. Je crois que j’en ai écrit des dizaines de versions différentes, plus ou moins romanesques, et pas toujours très réussies.
Dans Elvis à la radio, la narratrice fouille sa mémoire apparemment vide pour tenter de retrouver les traces de souvenirs d’enfance qu’elle croyait disparus à jamais, oblitérés par la guerre, la mort, la violence et la folie. Parmi les souvenirs terribles qui refont surface au fil de l’écriture, elle repêche tant bien que mal une poignée de moments de grâce, dûs en partie à la lecture — d’où la bibliographie en fin d’ouvrage, qui référence des voix qui ont compté pour la narratrice et qu’elle a tissées à la sienne –, mais aussi à des choses apparemment « ordinaires », qui pourtant ont sauvé une petite fille du désespoir absolu, et probablement de la folie aussi.
Elvis à la radio montre peut-être comment l’on devient qui l’on est, malgré les parents que l’on a eus et l’enfance empêchée. Ou comment écrire avec rien, sans mémoire, sans souvenirs. Ou comment apaiser les démons du passé grâce à la recherche d’une certaine objectivité dans l’écriture. Ou comment y survivre. Ou le revers de la médaille de l’intégration soi-disant réussie des immigrés vietnamiens. Ou les ravages de la colonisation, de la pauvreté, du racisme. Ou comment l’écriture et la lecture parviennent à réchauffer les eaux glacées de l’océan mémoriel. Ou d’autres choses encore, que vous verrez vous, sans aucun doute, si vous lisez ce texte.
« L’histoire » se passe dans les années soixante-dix et quatre-vingts, au Vietnam (à Saigon) et en France (dans la banlieue lyonnaise), mais aussi ailleurs, où l’on parle anglais, par exemple.
Elle commence par une naissance qui aurait dû être une mort, au milieu d’une guerre, et se poursuit par le quotidien saigonnais d’une petite fille et de sa grand-mère, qu’elle croit être sa mère, et de leur existence silencieuse scandée par les tubes américains qui sortent du poste de radio, celles d’Elvis Presley, dont une en particulier…
Elvis à la radio se commande dans n’importe quelle librairie, même en ligne, et notamment sur le site des éditions Maurice Nadeau.
Il comporte 304 pages, 42 chapitres, 6 pages de bibliographie et coûte 22 euros.
En vous remerciant infiniment, de m’avoir lue jusqu’ici, et de m’avoir accompagnée, d’une façon ou d’une autre, par votre présence bienveillante, je vous souhaite des livres nourrissants.
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It’s strange how a piece of film can hold a moment that can be cut apart from other moments and spliced next to a moment that occurred 20 years before. And that this new chronology can somehow tell a life in a way that linearity cannot.
Diane Seuss. “I Had a Kinetic Feeling”: A Micro-Interview with Diane Seuss – curated by Lisa Olstein, for the Tupelo Quarterly, March 14, 2021.
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Rencontres et entretiens autour D’Elvis à la radio :
10-02-2023 : 19h30, rencontre autour d’Elvis à la radio à la librairie Le Bazar Utopique, 3 place de la République, Bagneux. Rencontre animée par Margot Bonvallet.
09-02-2023 : 20h00, rencontre autour d’Elvis à la radio proposée par remue.net et intitulée « Les incertitudes de la mémoire », animée par Sébastien Rongier. Lieu et réservation : Maison de la Poésie de Paris. La rencontre est en ligne sur le site de remue.net
09-02-2023 : 11h-13h : rencontre à l’INALCO, 65 rue des Grands Moulins, 75013 Paris, le 6 février à partir de 11h30, dans le cadre du cours de littérature vietnamienne d’outre-mer de la Professeure Cam Thi Doan. Salle 404, 4e étage, en face de l’ascenseur.
02-01-2023 : rencontre à Jérusalem autour d’Elvis à la radio, au Café littéraire de Maryse Allouche.
22-12-2022 : entretien autour d’Elvis à la radio dans « Je tiens absolument à cette virgule », émission critique et théorique d’entretiens avec des auteurs animée par Hervé Weil. Podcast à écouter ici.
25-11-2022 : Nikola présente Elvis à la radio dans son émission radiophonique littéraire Paludes, sur les ondes de Radio Campus Lille (106,6 MHz ou campuslille.com ou DAB+). Présentation que l’on peut écouter ici.
24-11-2022 : 10h, La Contrescarpe, Paris. Entretien avec la journaliste littéraire Jeanne Orient pour sa série d’entretiens « Les escales de Jeanne ». Entretien filmé et visible ici.
24-11-2022 : 19h30-21h : Rencontre signature à la Librairie Des Femmes (35 rue Jacob, 75006 Paris).
23-11-2022 : de 11h30 à 13h, INALCO, Paris. « Une histoire et son absence, rencontre avec l’écrivaine Sabine Huynh » autour de son roman Elvis à la radio, organisée par Marielle Anselmo.
05-11-2022 : de 19 à 20 heures, débat avec Delphine Chaume sur le thème « écrire pour survivre », suivi d’une dédicace, au salon de L’Autre Livre, Halle des Blancs Manteaux, Paris. Une vidéo est disponible ici.
24-10-2022 : entretien radio avec Patrick Cargnelutti, dans l’émission littéraire de Radio Évasion (Finistère, 100/4 FM), Des Polars et des Notes.
24 et 25-09-2022 : dédicace de Elvis à la radio (éditions Maurice Nadeau, 2022), le 24 à 17h et le 25 à 16h, au stand des éditions Maurice Nadeau, dans le cadre de l’Actuel Festival des littératures contemporaines, Arènes de Lutèce, Paris.
02-12-2023 : remise du Prix de la littérature de l’exil « Des racines et des mots » 2023 à la médiathèque Jean Lévy, Lille. Le discours a été filmé et peut être vu ici : http://www.desracinesetdesmots.com/laureat-e-2023/
Un jour, m’efforçant de me réapproprier quelques souvenirs, je me serais mise à inventer la réalité. Et telle est la mission de la vraie littérature.
Dubravka Ugrešić, Le Musée des redditions sans condition (traduit du croate par Mireille Robin)
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Des mots déposés ici et là au sujet d’Elvis à la radio – grand merci aux lecteurs et lectrices et aux critiques littéraires :
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Extrait de la critique de Noé Gaillard :
« Regardez : il y a une jeune ou une petite fille qui de manière impersonnelle prend conscience de ce qui l’environne, il y a une jeune femme qui se souvient et rapporte son souvenir et ‘sa réalité’, il y a un « Je » qui, conscient des deux qui précèdent, peut analyser et se poser des questions. Enfin cette quatrième qui décide de ce qui doit être dit et travaille et retravaille la façon dont c’est dit. Bon ! J’ai triché car quand vous lisez ce que je viens de dire n’est pas aussi directement lisible, aussi clairement mis en évidence et de plus on se laisse emporter par celle(s) qui raconte(nt). Lisez, vous comprendrez mieux et réfléchissez à ce que dit cette ‘longue’ citation : « Ne pas avoir de souvenirs signifie peut-être ne rien posséder qui puisse éclairer l’abîme siégeant au cœur des pantins que nous sommes, alors pour pallier cette lacune, certains d’entre nous – les plus obsessionnels ? – alignent des mots sur des pages tout en étant conscients de l’impossibilité pour la forme biographique de saisir une totalité, absente de toute façon. » » (14-10-2022. Pour lire le reste de la critique, publiée dans Daily Passions, magzine culturel suisse, cliquer ici.)
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Extrait d’une lettre de Marie-Thérèse Peyrin :
« J’attendais ton livre radio guidé, dans ta prose bilingue. J’attendais ta parole impérieuse au milieu de tous les analgésiques de la bienséance. J’attendais que des femmes comme toi ou Annie Ernaux que tu cites dès le début (et tu ne pouvais pas savoir que Nobel elle aurait…) et bien d’autres qu’on fait semblant de ne pas entendre pour ne pas déranger l’ordre des convenances et le théâtre cruel des assignations au silence. J’attendais un tel livre de toi, et il est là, dans mes mains, « à vif », je sais que je vais finir de le lire en apnée. » (22-10-2022. Pour lire le reste de la lettre, dans le blog L’entame des jours, cliquez ici.)
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Extraits de la critique de Marc Verlynde :
« sa lente construction dans les oblitérations du langage. Dans une prose qui tend ses interrogations, les mises en question dans une pratique réflexive de l’écriture »
« Elvis à la radio ou l’écriture de l’étrangeté autobiographique, une très belle tentative de compréhension de ce que l’on a été »
« la lecture d’Elvis à la radio souvent m’a fait penser à Un bref instant de splendeur d’Ocean Vuong. La proximité de contexte ne tient pas entièrement, on entend pourtant dans ces deux livres le désir de comprendre la souffrance maternelle de l’exil. »
« Qu’est-ce que ça fait d’être une immigrée dans l’ancienne puissance coloniale de son pays. Dans ce livre (on peine à le réduire à une autobiographie), nous assistons à une très fine mise à la question des origines vietnamiennes de l’autrice. On touche alors, je crois, à la spécificité de son livre : une permanente et belle oscillation entre l’inscription, disons, sociologique de son propos et une réflexion sur la langue qui la porte, la fait dévier. Ce serait d’ailleurs, à mon sens, la vraie valeur de tous textes autobiographiques : ses tentatives d’élargissements, ses désirs d’affranchissements. »
« Elvis à la radio donne à sentir la matérialité de cette souffrance. Au fond, on peut se demander si une des plus grandes réussites de la littérature n’est pas de doter de concret ce qu’elle décrit. Des brisures de riz, des gâteaux pour chiens, la terrible humiliation de l’enfance a une saveur. Sabine Huynh parvient à en saisir les anamnèses, des retours pas nécessairement voulus. Le récit de soi comme ce qui se répète. «
« Sabine Huynh affirme alors avec force : il ne s’agit pas seulement de dire son passé, mais de trouver une traduction qui permette de rendre vivable le maintenant. Inventer une langue qui soit sienne passe sans doute par la capacité d’écouter celle des autres. On aime l’idée qu’Elvis à la radio soit troué de citations, collées en italiques, elles renforcent le propos en l’élargissant. »
« Apprendre à lire autant dans cette attention aux allitérations de cette méthode de lecture que dans une sélection, du Reader’s Digest, des trésors de la poésie française. Sans doute est-il grand temps de le préciser, Elvis à la radio rend particulièrement sensible le martèlement de la langue. On oserait alors dire que Sabine Huynh nous propose ici une autobiographie poétique. La sonorité des mots comme accès le plus immédiat à ce que le langage ordinaire, hors de l’écriture, se garde de dire. Elvis à la radio ou l’épreuve de l’écriture. » (24-10-2022. Pour lire le reste de la critique, dans La Viduité, cliquer ici.)
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Extraits de la critique d’Angèle Paoli :
« l’enfant n’a gardé aucun souvenir, si ce n’est ceux que son corps a enregistrés »
« Autant de points de vue différents qui jalonnent les chapitres et permettent d’avancer, en spirale autour de la problématique de l’écriture. »
« il y a de l’invention, synonyme de création, dans ce grand récit, dense et riche, dont les frontières entre fiction et autobiographie (risquer le terme d’autofiction ?) se côtoient, se doublent, se joignent, se retournent, s’épaulent, se contredisent et se contrebalancent. Et Sabine Huynh ne s’en cache pas, qui écrit par exemple :« En imitant, je me réécris, je m’écris, je m’invente. Je suis multiple, une multitude, à la manière de Walt Whitman, une foule d’étrangères à elles-mêmes, vivant dans le mauvais pays, le mauvais corps, parlant toujours la mauvaise langue. » Une étrangéité revendiquée et assumée. « Et c’est très bien ainsi, puisqu’il n’y a nulle part de bonne langue, de bon endroit, de bon corps, de traduction plus valable que l’autre… » (p. 251) »
« Il y a dans ce livre une écriture, qui est à la fois refus du beau style dit littéraire (forme d’imposture, là aussi, de camouflage) et recherche d’une écriture de la vérité. « Écrire la vie ». Telle qu’elle a été vécue par la narratrice, c’est, me semble-t-il, le projet que poursuit Sabine Huynh et qui trouve dans ces pages, dont certaines sont sublimes, son plein épanouissement. Et se faisant, s’inventer une écriture. »
« Les passages où Daniel et Valérie entrent en scène et relaient le récit principal sont particulièrement réussis parce qu’en osmose parfaite, fusion absolue, sans rupture aucune avec le discours central. »
« Il y a bien chez Sabine Huynh ces terribles chagrins qu’elle a endurés jusqu’à l’extrême et contre lesquels elle continue de lutter. Cette réalité-là, qui a existé, lui colle à la peau. Mais il y a aussi de l’écriture, une écriture qui parfois emporte dans son rythme, comme une vague qui monte, intransigeante et inextinguible. Et c’est elle, alors, qui mène le texte, au-delà des problématiques qu’il pose. Ainsi de ce chapitre où se déroule la longue et belle métaphore du tissage, dans laquelle viennent s’emboîter d’autres métaphores. Écriture gigogne, parfaitement maîtrisée et convaincante, mais introuvable sous la plume d’Annie Ernaux, qui refuse et rejette tout recours aux images. Il y a sans doute chez Sabine Huynh une forme de volupté, consciente ou non, à lancer l’écriture à plein régime, à surfer sur le dos de la vague et à se laisser porter emporter par les mots. »
« Sans doute la présence récurrente des citations en italiques a-t-elle une fonction heuristique, laquelle permet à Sabine Huynh de trouver sa route (ou de la légitimer) en progressant à l’aide des écrivains qu’elle a sélectionnés pour avancer dans sa propre histoire. « De la rencontre de quelques textes lus naît l’Espoir d’écrire », écrit Roland Barthes. »
« Autre aspect particulier de l’invention dans Elvis à la radio, la présence d’un paratexte intertextuel omniprésent sur lequel s’étaye le récit principal. Si Sabine Huynh écrit, c’est parce qu’en amont, elle a lu. Lu et traduit. »
« L’on comprend ainsi, à travers les nombreux exemples empruntés à la lecture et à la littérature, que l’invention assume une part importante de l’écriture. Et ce que l’on pensait être un roman devient très rapidement une autofiction. Parce que ce qui est la plupart du temps présenté par la narratrice comme une part de vécu, authentique, se métamorphose soudain sous l’effet de réflexions qui induisent le doute. Du reste l’on peut lire ailleurs cette phrase qui éclaire notre interprétation : « Ce que je ne sais pas, je l’invente donc ; j’ai énormément appris de mon enfance et de la manière de la décrire en l’inventant. » Ou encore : « je ne me souviens de rien tout en me souvenant de certains mots, certaines phrases, que j’ai peut-être inventés mais peu importe, autour desquels tout mon travail d’écriture s’est enroulé. Il s’agit bien d’une histoire et de son absence ». Elvis à la radio, n’est-ce pas l’histoire d’une mythologie personnelle ? Sabine Huynh emploie le mot « légende ». Qui dit mythologie, dit invention. Invention forgée sur les mythes familiaux, récits rapportés, souvenirs des uns et des autres. Le tout servant de matériau premier pour combler les vides de la mémoire. Car la mémoire de l’autrice semble vide, qui s’appuie pour valider son affirmation sur Georges Perec qui affirme dans W ou le souvenir d’enfance : « Je n’ai pas de souvenirs d’enfance. » »
« Reste, au-delà de tout ce qu’il resterait à dire, tant est riche et inépuisable ce « roman », reste à répondre à la question que pose Sabine Huynh de savoir si ça a « marché », « si l’écriture a marché ». Alors oui, au-delà de la question de la Vérité, qui n’a aucune importance pour la romancière, ce qui pour moi a marché, c’est justement la question de l’écriture. L’écriture en tant que telle. Sans rien d’autre. Au-delà du récit et de ses contradictions. L’écriture. »
« Et que c’est cela qui m’importe par-dessus toute autre considération. Une vraie écriture, donc, dans laquelle, chacune ou peut-être chacun, pourra puiser. À Satiété. » (28-10-2022. Pour lire le reste de la critique, dans Terres de femmes, cliquer ici.)
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L’avis de Margot Bonvallet (librairie Les Vinzelles, Volvic, France)
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Extraits de la critique d’Henri Marcel :
« dans cette sorte d’« auto-enquête » riche et dense, parfois mystérieuse, nous sont décrits, par bribes et fragments, quelques épisodes d’un drame domestique, avec cet avertissement : « Quand on ne sait pas d’où l’on vient, on se raccroche aux phrases qu’on peut, des phrases qui surnagent sur les eaux confuses de la mémoire. »«
« Dans ces pages, en décrivant une famille troublée et les dégâts occasionnés, Sabine Huynh n’entend clairement pas créer une triste fiction de type post victorien. Le récit qu’elle assemble, séquence après séquence, est rendu beau par le processus de découverte, d’élucidation, qu’engage la romancière et poétesse concernant sa propre histoire. Il s’agit de parvenir à une forme de « cohésion », à défaut de « cohérence », sans savoir si les scènes fantomatiques du passé seront enjolivées ou enlaidies par le travail du temps : « Ordonner signifie donc disposer dans une rangée, et, par extension, tisser. La certitude des faits compte peu quand on tisse avec des souvenirs troués. » » (13-11-2022. Pour lire le reste de la critique, dans Les Cahiers du Nem, « la revue des cultures asiatiques et des diasporas », cliquer ici.)
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Extraits de la critique de Nikola Delescluse, pour l’émission littéraire « Paludes » de Radio Campus Lille (106,6 MHz ou campuslille.com ou DAB+)
« instants presque suspendus de grâce, de bonheur, de joie, des joies fugitives mais d’une intensité folle […] le texte est en même temps travaillé par différentes écritures […] l’écriture de Sabine Huynh […] qui est à la fois une tentative de rassembler ses propres souvenirs mais également de les enrichir, de les créer quand ils sont absents, va s’étoffer de toutes les voix qu’elle a pu connaître, […] car c’est une lectrice dévoratrice (elle dit le bonheur profond que la littérature lui a apporté) […] Sabine Huynh entremêle et entretisse constamment, avec une patience arachnéenne toutes ces voix, la sienne, celles des autres, celles de ces auteurs qui comptent, qui ont compté et qui compteront encore […] montrant qu’il y a une tension vers cette quête de mémoire et en même temps combien il est extrêmement difficile et délicat de tracer une frontière nette et précise entre ce que la réalité peut être, surtout lorsqu’elle est minée de l’intérieur par cette défaillance de mémoire, et de l’autre par ce que cette richesse et cette invention d’écriture est capable d’insuffler à l’intérieur même de ces vides et cette béance. Ça donne un texte qui est hanté lui aussi par la présence de l’araignée, qui n’est pas innocente, ça revient à de très nombreuses reprises, tout comme un certain nombre d’épisodes ou d’événements sont retravaillés, ré-écrits, repris tout au long du texte […] très beau texte habité par la voix d’une poétesse. Sabine Huynh vous entraîne avec Elvis à la radio dans des souvenirs à la fois réels et magnifiés par la puissance de l’écriture » (25-11-2022. Pour écouter la lecture de Nikola Delescluse suivie de sa chronique, cliquer ici ou ici.)
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Extraits de la critique de Pierre Perrin :
« la puissance du récit dont l’auteur précise à la pénultième page qu’il lui échappe totalement. « Je ne l’ai pas écrit mais chevauché dans le noir, suivi là où il m’entraînait. » Ailleurs, l’auteur explique avoir dû écrire sur sa propre honte, parce qu’elle a eu honte de celle-ci. Une telle observation, à elle seule, nous porte loin de la platitude et des clichés. »
« En tout cas, Sabine Huynh, écrivain et traductrice, a conquis la lumière. Elle n’a pas attendu d’aides, elle s’est forgée. « Tout ce dont on manque à la
maison se trouve dans les livres. » À son tour de nourrir la littérature. « Ne pouvoir tenir dans aucun moule et finir par les briser tous tient à la fois d’une grande solitude et d’une force incomparable. Je découvre tout cela grâce à l’écriture. » Nous la suivons avec plaisir. » (à lire dans le numéro de décembre 2022 de la revue Possibles)
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Extrait de la critique publiée dans Les notes (revue en ligne de l’Union Nationale Culture et Bibliothèques Pour Tous)
« Ce roman autobiographique de Sabine Huynh est une curiosité littéraire : une très longue auto-analyse qui porte sur la perte du souvenir de son enfance violente, et sur sa reconstitution imaginaire à partir d’éléments infimes (Elvis… un carrelage…) voire douteux. Avec une prodigieuse vitalité poétique, la narratrice raconte comment, fillette, elle pose sur ces images-flash des mots dont les infinies combinaisons font naître chez elle des récits qui la construisent. Les héros des livres qu’elle dévore instaurent une échappatoire à son enfance dévastée ; ses lectures emportent l’ado qu’elle devient à la limite de la paranoïa. Adulte, la revanche domine. Révolte, misère, souffrance, errance s’expriment en français, langue qui porte dans ses valeurs éducatives un cruel déni de sa réalité, mais dont la richesse l’enivre. L’imaginaire enfiévré de l’écrivaine fait de ce texte interminable un retour – lancinant mais exceptionnel – aux mêmes traumatismes. » (critique mise en ligne le 6-12-2022, Les notes)
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Extraits de la critique d’Alain Nicolas :
« L’enfance vietnamienne, elle n’en a aucun souvenir. Elle y existe mais « comme en apnée« . Des images, des sons, traversent pourtant ces pages, remémorés, racontés, rêvés. »
« Projet passionnant qu’il faut suivre pas à pas, de scène en scène, sans chercher de continuité autre que celle d’une logique alternative à celle de la chronologie. La logique est celle des sentiments, des objets. »
« L’histoire ne va pas tomber toute rôtie sous les yeux du lecteur. Mais qu’importe ? Car ce qui compte, plutôt, ce n’est pas la péripétie, mais les pépites de réalité qu’elle révèle. De ce point de vue, Elvis à la radio est un texte sans égal, où le monde matériel impose sa présence poétique et donne à cette autobiographie amnésique une autorité que le reportage du soi n’aura jamais » (Alain Nicolas, L’Humanité, 8-12-2022)
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Extraits de la critique de Patryck Froissart :
« Plusieurs fils s’entrecroisent dans une trame narrative dense et captivante. »
« Le premier est la remémoration, en tableaux discontinus, de l’enfance et de l’adolescence de la narratrice »
« Le second est constitué d’une série d’anecdotes, dont le souvenir ressurgit au hasard d’une écriture non linéaire »
« Le troisième est d’ordre de la réflexion sur les interactions entre la littérature, l’écriture, le récit, les souvenirs prenant racine dans le vécu d’une part, dans l’imaginaire personnel, dans les lectures d’autre part. »
« Ainsi récurremment l’auteure s’interroge, et questionne le lecteur, sur la nature et le statut de la vérité dans le récit, autobiographique en particulier, et sur ses corollaires, le mensonge, le déguisement, l’omission, sur l’éventualité d’une obligation morale, et intellectuelle, d’objectivité dans le rendu du souvenir, sur l’influence de l’intertextuel dans le discours narratif, sur la nécessité impérative d’écrire pour se connaître, sur la fonction psychanalytique et thérapeutique d’une écriture ayant pour dessein la quête, la conquête, la reconquête du passé au prix d’une fouille constamment renouvelée dans le limon des vies antérieures (il y a quelque référence à la recherche proustienne du temps perdu), au prix d’une résurgence de souffrance lors du remuement récursif du couteau dans les plaies qu’on rouvre. »
« Le quatrième fil est celui du surgissement constant, dans la reconstitution de la mémoire, de l’intertextualité, comprise autant dans le champ littéraire que dans le domaine musical (d’où la référence à Elvis Presley dans le titre) et dans l’univers cinématographique. »
« Exemple réussi de « littérature du fragment », tentative – tentation – acharnée de reconstruction du puzzle mémoriel, roman autobiographique (ou autobiographie romancée), voilà qui peut faire vivre un fort intéressant moment de lecture. » (14-12-2022. La cause littéraire)
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Une note de Michel Guerbal :
Sabine Huynh le rappelle régulièrement : son livre n’est PAS un livre de mémoires personnelles – c’est un livre qui se constitue à partir d’une mémoire qu’elle déclare manquante. Il parait que le vocabulaire des premiers livres de la bible est extrêmement pauvre – par rapport par exemple à des auteurs comme Shakespeare. Il m’est venu à l’idée qu’un livre se constitue précisément à partir des mots qu’il n’a pas. C’est très concret : le mot « Être » n’existe pas en hébreu. Si donc on veut parler de quelque chose qui tourne pourtant autour de cette notion nommée « Être » par les Grecs, on est obligé de faire des récits, des périphrases autour du mot manquant. Le Tetragramme Lui Même (dont on précise le sens en interdisant de le prononcer) peut alors apparaître (il est construit sur la déclinaison du verbe « être » qui n’existe pas substantivé en hébreu) – et on sait à quel point ce mot – le Nom – maintient ses fécondités. Le livre de Sabine se construit aussi à partir de là. Encore une fois, je repense à « brèche » : parce que le mot brèche évoque immédiatement une faille , mais que une brèche, c’est AUSSI un agglomérat rocheux – une roche constituée de ciment et de pierres plus dures. Je pense à Brèche – parce que c’est l’un ET l’autre. Que se passe-t-il quand on garde (en gardien de troupeau) l’absence doucement au cœur ? On peut s’y perdre, en mourir d’une manière ou d’une autre – la pire mort étant de se fondre dans des unités de groupes. Mais parfois il arrive qu’on parvienne à inventer, développer, créer, vaille que vaille, dans des successions diachroniques un peu incertaines – en boitant de ses différents organes pour le dire plus simplement – qu’on invente donc quelque chose où vivre est possible et plus que possible : on traverse les styles de notre époque, ils deviennent alors (pour maintenir l’analogie) ces pierres dures dans le ciment de la brèche. Elvis à la radio fait ça – c’est pas un livre vrai, c’est un vrai livre. Comme quoi il y en a encore ! Ce qu’est, que peut, que désire la littérature ? Elvis à la radio – interprété par Sabine Huynh – un livre qui est une brèche – le mot et la pierre. Que faire du manque dans le mot ? Où se fait la chose ? Si vous aimez encore la littérature – si vous croyez encore à ce qu’elle fait – faites vous offrir ce livre en langue française ! Merci à l’auteure et à ses éditeurs, chez Maurice Nadeau. (Et vive Daniel et Valérie !) (Michel Guerbal, auteur de Les Thèses Inconnues. Note déposée ici le 15-12-2022.)
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Extrait de la critique de Dan Burcea :
« Le roman de Sabine Huynh Elvis à la radio (Éditions Maurice Nadeau) est à plusieurs raisons une des grandes révélations de cette rentrée littéraire. Renvoyant en filigrane à la célèbre formule durassienne selon laquelle écrire « c’est hurler sans bruit » et se déclarant « bien incapable de démêler la fiction du réel » l’écrivaine née au Vietnam pendant la guerre et arrivée en France durant sa plus tendre enfance nous propose un roman autobiographique animé à la fois par une volonté de plonger dans les sédiments de la mémoire – « tout est mémoire », nous dit-elle – et par une introspection sur l’acte et le pouvoir de l’écriture. Cette immersion ne sera pas facile devant l’inévitable et douloureuse pression qu’exerce sur elle l’oubli et le besoin inavoué de transposer/transporter ce vécu tout au long de son récit. De ce point de vue, Sabine Huynh réussit à créer une magistrale narration ondulatoire, d’une rare sensibilité, où chaque souvenir fonctionne de manière récurrente comme une pierre ricochant à la surface de sa narration et éveillant un irrépressible besoin de dire son histoire, dans un aller-retour frissonnant, osant dire la vérité sur elle-même, la chose la plus difficile sans doute, surtout lorsqu’elle se retrouve forcée à « cogner toute sa vie sur une porte qui ne s’ouvrira jamais ». » (Dan Burcea, Lettres capitales, 19-12-2012.)
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Extraits de l’article de Doan Bui :
« J’aime beaucoup les araignées. Sabine Huynh n’est pas une araignée. Quoique. Cette singulière autrice polyglotte, née à Saigon en 1972, a grandi en France et vit désormais à Tel Aviv. Elle est poète, traductrice de la poétesse américaine Anne Sexton ou de l’écrivain hébreu Uri Orlev. Bref, elle jongle avec les langues, tissant un fil entre les textes, en leur prêtant ses mots : quoi de plus arachnéen que le travail d’un traducteur ?
La toile d’araignée. C’est à cette forme si complexe et si simple, cet édifice si fragile et si solide que ressemble son récit funambule « Elvis à la radio ». Dans ce livre, j’ai corné beaucoup de pages, mais celle qui m’a happée, la page 37, parle d’araignées. D’un trauma d’enfance, dont il a fallu se souvenir, puisque comme le rappelle Huynh, « to remember », c’est se « remembrer » (en travaillant sur notre « Hors-série Proust », j’ai découvert, émerveillée, ce beau mot, « Remembrer », de l’ancien français, alors, j’ai tressailli de le retrouver dans ce livre). »
« Il est question de l’écriture, « encre sympathique des morceaux cachés », qui lui permet de révéler « une cohésion entre les morceaux épars du puzzle », l’écriture qui guide et répare : « J’ai encore du mal à croire que j’arrive à écrire ainsi […] me contentant de suivre les soies que les araignées de la cave d’immeuble où j’ai dormi après avoir été mise à la porte par ma mère mêlèrent à mon épaisse chevelure noire, et sur lesquelles je tire encore aujourd’hui, trente-cinq ans plus tard. » »
« Tout ça nous fait revenir, en spirale d’Archimède, bien sûr, au livre de Sabine Huynh. Réparer, trouver une voix/voie, une musique : c’est ce que l’autrice, opiniâtre, tente en posant des mots sur son histoire personnelle, trouée de silences, déchirée par l’exil. Longtemps, l’autrice fut mutique. C’est le passage à l’anglais qui va la libérer du français, langue du pays d’accueil, et du vietnamien, langue maternelle occultée. Et aussi la découverte du saut en parachute. Il lui a fallu sauter dans le vide pour se « remembrer ». » (Doan Bui, L’Obs, 19-12-2012)
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Extraits d’une critique de Jean-Paul Gavard-Perret :
« Sabine Huynh précise plusieurs fois dans ce qui tient d’une quasi auotofiction l’objet de son livre : « Je suis bien incapable de démêler la fiction du réel : au fil des ans j’ai forcément dû reconstruire, colmater des trous, mais qu’ai-je ajouté, ou retiré, pour accomplir mon dessein ? ». Et plus loin d’ajouter « Depuis l’adolescence, je sais qu’un jour j’écrirai sur ces îles dévastées que furent mes enfances… ».
« Dès lors du Vietnam natal jusqu’à la France s’inscrit un parcours qui n’a rien de rêvé. L’auteure s’interroge sur la nature et le statut de la vérité dans le récit autobiographique, ses mensonges, omissions voire ses obligations morales et « ces histoires d’objectivité » dont se moquait Beckett. »
« Une chose est sûre : il existe là quelque référence à la recherche proustienne du temps perdu. » (Jean-Paul Gavard-Perret, 29-12-2022. Critiques libres)
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Extraits d’une critique de Jean-Paul Gavard-Perret :
« plusieurs fils s’entrecroisent dans cette trame narrative d’une remémoration familiale d’une série d’anecdotes, dont le souvenir ressurgit au hasard d’une écriture non linéaire qui épouse les vicissitudes quotidiennes d’une trajectoire familiale précaire »
« C’est une galerie de tableaux intimistes d’une jeunesse en souffrance. Le tout en de courtes séquences évitant tout pathos. »
« Là où le récit devient aussi un territoire de réflexion sur les interactions entre l’écriture et les souvenirs dans le jeu à la fois du souvenir mais aussi de l’imaginaire. » (Jean-Paul Gavard-Perret, Lelittéraire.com, 08-01-2023)
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Extraits d’une critique de Sylvain Boulouque :
« Sabine Huynh fait se souvenir par bribes sa famille de ce même exil dans lequel, des descriptions analogues sont proposées, la difficulté de la vie ailleurs pour ce que la société a proposé comme des immigrés modèles. Elle rappelle pour la famille la difficulté de trouver du travail, la complexité des relations humaines, le manque de nourriture et aussi les espoirs d’amélioration des conditions de vie. Le titre livre aussi une explication différente, la musique et la chanson en particulier ont été à la fois la marque d’une nostalgie et en même temps le possible du changement comme une étape pour l’émancipation. »
« Le questionnement ressurgit alors pour s’interroger sur la manière de rendre vie au passé quand on a tout perdu ou presque et comment l’exil constitue une reconstruction. » (Sylvain Boulouque, « Exils vietnamiens », Fragments, revue de littérature prolétarienne, numéro 6, janvier 2023)
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Extraits d’une critique de Julien Boutonnier :
« Sabine Huynh a écrit un livre magnifique et d’une grande générosité. Par les moyens d’une écriture aussi élégante et douce que rigoureuse et opiniâtre, l’autrice parvient à capturer ce qui, dans une vie humaine, tient à l’indicible. Elle saisit cette part mystérieuse de nous-mêmes qui, malgré les périls d’une biographie, comporte la possibilité d’un choix, d’un acquiescement, d’une création. Elvis à la radio est une expérience de littérature dans sa dimension la plus essentielle : quelque chose comme une façon de bricoler avec l’invivable. »
« Ce n’est pas la moindre des réussites de Sabine Huynh que d’avoir su manifester dans une expression limpide ces lambeaux mnésiques, à peine figurables tant ils sont enracinés dans un vécu traumatique. Objets ambigus, tout autant acquis à la cause de la fiction que de la véracité d’un vécu, ces morceaux de temps constituent la matière première du livre, comme une quantité aussi meuble, insistante et informe que le sable d’un espace désertique dont l’auteure se saisit pour éveiller quelque chose en nous. »
« Sabine Huynh fabrique ainsi, avec une sorte de virtuosité discrète, une trame de temps qui, in fine, emporte l’essentiel. La très grande réussite du livre tient à ce noyau d’un être humain que parvient à capter l’autrice. Ce noyau, c’est bien entendu un vide – autre nom de l’indicible évoqué précédemment ; un vide entendu par Sabine Huynh comme la possibilité d’une liberté et, in fine, d’une création de soi ; un vide dont la littérature est à la fois le visage, le mode d’emploi et l’instrument. » « dans ce foisonnement d’une si constante intelligence, je vous invite à découvrir comment le chaos d’une enfance malheureuse s’organise en littérature par le moyen miraculeux d’un manuel de lecture, comment une simple logique d’assonances peut concurrencer la réalité et nous – si j’ose dire – sauver la vie » (Julien Boutonnier, Diacritik, 13-01-2023)
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Extraits d’une critique de Jean-Pierre Han :
« Sabine Huynh fait tout simplement – en toute conscience et tranquilité, a-t-on envie d’ajouter – exploser toutes les catégories littéraires existantes. »
« Elvis à la radio est un formidable, et peu commun ouvrage de libération. »
« De la première ligne à la dernière, il n’est question que de cela : de la langue, de l’écriture, des mots que l’enfant arrache dès son plus jeune âge à la réalité et qu’elle consigne dans un cahier. »
« Elvis à la radio est un texte hybride fonctionnant en brèves séquences, comme une foreuse qui œuvrerait au cœur d’une matière qui ne cesserait de se refuser à son autrice. D’une impitoyable lucidité il refuse tout apitoiement, toute récrimination, tout scandale. Sombre, dense, complexe, c’est le texte d’une femme en recherche de sa propre identité »
« C’est simplement bouleversant et d’une terrible force. » (Jean-Pierre Han, Les Lettres françaises, janvier 2023)
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L’avis de Guillaume Boppe (Bibliothèque Carré d’Art, Nîmes, France)
« C’est un véritable livre-fleuve, et le terme n’est pas ici péjoratif. Je veux dire que j’ai été emporté dans les méandres, les nuances, les complexités de ce parcours raconté avec un mélange fascinant de pudeur et de grande franchise. Je trouve que le plus réussi dans ce livre, c’est la manière dont il réussit à faire sentir au lecteur que la narratrice et le « personnage principal », à tous les âges qu’il traverse, sont à la fois la même personne et des entités que le temps a éloignées d’elle. C’est là ce qui fait qu’un roman (ou l’histoire d’une vie – récit ou fiction, peu importe) peut être reçu par un lecteur comme quelque chose de profond et de vrai. » (24-01-2023, Guillaume Boppe, poète et bibliothécaire, auteur de Géomancies suivi de Paysages avec passants)
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Extraits d’une critique d’Eric Bonnargent :
« Disons-le tout de suite, « Elvis à la radio » est un livre éblouissant, à la fois autofiction, roman et essai. Autofiction d’abord, parce que Sabine Huynh y parle de sa vie. Et la vie de l’autrice n’est pas un long fleuve tranquille, c’est le moins que l’on puisse dire. »
« L’enfance de l’autrice est si traumatisante que les événements qui l’ont structuré ont été effacés de sa mémoire, même le visage et le prénom de sa grand-mère adorée. Et c’est d’ailleurs pour cette raison que « Elvis à la radio » est aussi un roman. Sabine Huynh est suffisamment lucide pour savoir que si écrire permet « de prendre conscience des choses, ainsi que de relier, remembrer – ce terme a donné ʺrememberʺ, se souvenir, en anglais », c’est aussi reconstruire des souvenirs, en inventer. Malgré soi. Les réflexions qui parsèment son récit, que ce soit au sujet de la mémoire et de l’identité, de l’existence et de la mort, etc., sont si profondes qu’elles sont dignes d’un philosophe aguerri. »
« Quoi qu’il en soit, « Elvis à la radio » est un magnifique livre, celui du combat d’une femme contre les déterminismes, contre la misère, le froid et la faim, d’une femme qui dans la difficulté en est revenu à des instincts primaires, a su quand il le fallait se faire huître (« je sais nager et m’accrocher avec le seul pied que j’ai, et plus c’est dur mieux je m’accroche ») ou « recourir aux artifices du caméléon » pour parvenir, grâce à la littérature, à être une mère, une traductrice et une écrivaine de talent. Et contrairement peut-être à ce que ces quelques lignes montrent, « Elvis à la radio » est un hymne à la joie signé par une écrivaine qui dit si joliment d’elle qu’elle est « un patchwork bigarré et troué, un accident de matières avec lequel le temps et le soleil jouent. » » (Eric Bonnargent, professeur de philosophie, critique littéraire et auteur notamment de Atopia, petit observatoire de littérature décalée. Note de lecture déposée ici le 16-02-2023.)
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Une note de Léo Cairn
Certains livres ne ressemblent à aucun autre. Certains livres constituent une sorte d’aberration, en ces temps d’asepsie littéraire où nombre d’entre eux se ressemblent. Elvis à la radio, de Sabine Huynh, fait incontestablement partie de ces livres monstres. J’ai d’emblée été fasciné par son titre mystérieux, musical et faussement léger, et cette photographie de petite fille boudeuse en couverture. Et mon attirance spontanée vers ce livre dont je ne savais rien, cette sympathie naturelle qui m’a conduit vers lui, comment ne pas la bénir aujourd’hui ? Cela fait longtemps que je n’avais pas lu un texte aussi fort, aussi bouleversant. Aussi âpre. Aussi courageux. Aussi violent. Son autrice m’a emporté avec elle dans le temps, dispersé dans tous les espaces qu’elle a pu arpenter – j’y inclus celui du langage, et il n’est pas neutre qu’elle parle plusieurs langues et qu’elle soit traductrice (c’est d’ailleurs par ce biais que j’ai entendu parler de son travail pour la première fois). D’ailleurs, dans son Elvis, c’est un peu comme si elle traduisait sa propre langue, une langue qui n’appartient qu’à elle, une langue toute en mouvements, insaisissable – tantôt sèche et aride, tantôt humide, presque liquide, enveloppante comme une matrice qui serait à la fois celle du langage et du désarroi. (Ce qui est assez extraordinaire, c’est que l’on ne ressent pas vraiment de colère dans la description des horreurs que la narratrice a traversées, et que cette dernière parvient toujours à rester d’une grande pudeur tout en convoquant dans ses mots ce qu’il y a de plus intime – tout cela m’a profondément remué, c’est que la littérature d’aujourd’hui nous a tellement déshabitué d’une telle intensité). Ce texte m’a sonné, me laissant comme tremblant intérieurement, avec cette étrange impression de bien connaître celle qui l’a écrit, jusque dans son mystère.Il est difficile de trouver des mots justes après avoir traversé les siens, après avoir été déchiré par eux, et réparé aussi, un petit peu, et ce n’est pas là le moindre des paradoxes. Merci pour ce livre, Sabine Huynh. Et pour la vie. Et pour la poésie. Et pour les voyages dans le temps et dans l’espace, dans ce qui a existé et n’aurait pas dû exister et n’a pas existé et finalement existe quand même puisque vous ne cessez de l’inventer. Merci pour l’invitation dans le cœur douloureux de vos émotions et de votre pensée, pour cette plongée dans vos souvenirs qui sont un peu devenus les miens et feront partie de moi désormais. Simplement merci. (Léo Cairn, psychiatre et écrivain, auteur de Une Thérapie. Note de lecture déposée sur Facebook le 22-03-2023.)
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Une note d’Eric Pessan
« En voici une autre, d’histoire : une tante de l’adolescente – appelée à la rescousse par la mère et le partenaire de celle-ci afin de leur servir de témoin lors de la visite de l’assistante sociale envoyée par le juge pour enfants pour vérifier la véracité des plaintes émises par la fille désormais bannie de la cuisine où se prennent les repas familiaux – sa mère ne la nourrit plus et enferme les vivres dans sa chambre à coucher avant de sortir – se contente de répéter à la fonctionnaire, en se tordant les mains, un sourire mielleux déformant son visage, la phrase ELLE MENT COMME ELLE RESPIRE, finissant même par lui mettre sous le nez, en guise de preuve ultime de la sournoiserie de sa nièce, le classeur contenant ses poèmes, qu’elle lui avait fait lire cette même après-midi en lui assurant que ce qu’elle voulait avant toute autre chose c’était écrire, rien d’autre que ça, rien. »
La famille de Sabine Huynh, bourgeoise et francophile, a quitté le Vietnam lors du retrait de l’armée américaine pour venir s’installer en France où père et mère subiront de plein fouet le racisme et le déclassement. De ces faits, qui croisent intime et événements historiques, il serait possible de tirer un roman, c’est – d’une certaine façon – ce que fait Sabine Huynh, mais d’une certaine façon seulement, puisqu’au-delà du récit, « Elvis à la radio » est avant tout une réflexion sur ce que signifie écrire une autobiographie, avec en filigrane, une question vertigineuse : peut-on faire confiance à sa propre mémoire ? Ainsi, Sabine Huynh tisse une histoire fragmentaire où chaque récit engendre du doute, où une enfant maltraitée par une mère aigrie va se construire grâce à la littérature et la culture. L’extrait que j’ai choisi de recopier plus haut est à ce titre terriblement significatif, nous tous écrivains avons sans doute connu ce moment où nos écrits peuvent être utilisés contre nous. « Elvis à la radio » est un roman dense, fragmentaire, touchant et subtil, une manière d’assembler un puzzle en sachant à l’avance qu’il manquera des pièces au fond de la boite (et qu’il est possible que les hasards de la vie aient ajoutés d’autres pièces, venant d’autres puzzles). (Eric Pessan, écrivain, auteur entre autres de Dans la forêt de Hokkaido, Muette, N, et Quichotte, autoportrait chevaleresque. Note de lecture déposée sur Facebook le 26-03-2023.)
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Extraits d’une critique de René de Ceccatty :
« Qu’on ne s’attende donc pas à une autobiographie en bonne et due forme. C’est une suite de saynètes, plus ou moins longues, où son enfance lui réapparaît, arrachée à un oubli qui lui serait plus naturel. Sa vie d’exilée et d’enfant malaimée, témoin et parfoit victime de violences, l’a rendue particulièrement sensible aux poètes proches de la folie. »
« Cette lectrice d’Annie Ernaux et de Marguerite Duras, à qui, forcément, géographiquement, l’on pense, n’a cependant aucune visée politique dans son récit. Elle a lu Pierre Bourdieu, mais n’en fait pas étalage. Elle a lu aussi Emily Dickinson, et de nombreux poètes anglais qu’elle a traduits frénétiquement, trouvant naturellement dans la traduction le dialogue avec des frères et des soeurs qui l’aidaient plus à vivre, parfois, que les êtres qu’elle côtoyait. Elle glane des citations et les sème dans son récit, comme si c’étaient ses propres phrases, et si elle ne les distinguait pas par des italiques et n’en donnait pas les sources dans une bibliographie finale qui renvoie aux pages du livre, on les croirait d’elle, en effet, qu’il s’agisse de Georges Perec, de Simone Weil, de Bertolt Brecht, de patti Smith, de Sylvia Plath, de Robert Walser ou de Thomas Bernhard, de Joan Didion ou de Fred Deux. Elle pourrait aussi bien citer Anne Carson, traduite par Edouard Louis, ou Linda Lê, dont l’histoire ressemble à la sienne. Tout cela est fait dans une continuité sans pesanteur, sans pédantisme. Elle cite de même des chanteurs, des poètes très contemporains et le livre de lectures qu’on lui a donné à l’école française. »
« Écrire, s’interroge-t-elle en conclusion, n’est-ce pas naviguer à la fois à la rencontre et à l’encontre des récits préexistants ? S’élancer sur les mers avec en main la carte du rien de La Chasse au Snark de Lewis Carroll ? L’écriture me place dans des flux et des courants auxquels m’ajuster, il a toujours été ainsi ; rien ne peut être planifié à l’avance, c’est comme la vie. »
« Nourrie de poésie anglo-saxonne (outre les maîtres anciens, Anne Sexton qu’elle a traduit, Louise Glück le récent Nobel et Ocean Vuong, sans doute encore plus proche d’elle), elle prend, dans cette prose violente et rêveuse, concrète et réflexive, en même temps, le ton autobiographique de la plupart de ses modèles poétiques, avec même liberté et mêmes digressions. Elle cite aussi les chanteurs entendus dans son adolescence en France. Parfois, comme chez Duras, de vieilles photos de Saigon, de Cholon, viennent à la rescousse, pour ranimer la mémoire ou la mythifier. Ou alors c’est une chanson d’Elvis qui donne son titre au livre, qui passe du Vietnam où les radios américaines le diffusaient à la France, où le père de Sabine porte encore la coiffure du « King » et leur fait écouter « les albums du crooner tous les dimanches ». C’est curieusement Mauriac qu’elle cite (« Je pourchasse de livre en livre, l’ombre de ce que je fus »), pour résumer sa quête d’une image d’elle-même dans laquelle, de toute façon, elle ne se fixera jamais. En Israël, cependant, dont elle a fini par adopter la langue, elle trouve manifestement une forme d’équilibre, en épousant l’angoisse des rescapés qu’elle lit, qu’elle écoute, qu’elle traduit même (Uri Orlev). Leur histoire n’est certes pas la sienne, mais, comme eux, elle a trouvé un port, un monde cosmopolite où la mémoire est à la fois un recours et une perte, une consolation et une torture. » (René de Ceccatty, Livr’arbitre, mars 2023)
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Une note d’Adeline Baldacchino
Quel grand livre, de quête et d’exploration, sur les mystères de la mémoire, son rapport au temps, à l’écriture et à l’imagination, les blessures qu’infligent ceux à qui elles ont été infligées, l’exil dans la langue, le salut par les poèmes, les poissons perdus de l’aquarium volé dans l’appartement vidé, ce que l’on fait pour sur-vivre, qui est vivre en sautant dans le vide en espérant le parachute.
C’est plein de réminiscences et d’images (é)perdues glanées dans les labyrinthes de l’inconscient, c’est quelque part entre Marguerite Duras et Ocean Vuong, entre Jean-Jacques Rousseau quand il essaie de se souvenir et Kafka quand il tente d’inventer, on y croise Bachelard et Patti Smith, Primo Levi et Prévert, c’est beau et c’est douloureux, c’est fin, sensible et puissant, c’est écrit à l’encre qui troue le papier pour réparer l’âme, c’est à la fois extrêmement ciselé et viscéralement incarné, parce que chaque mot semble avoir été nécessaire pour franchir un seuil, peut-être la fameuse porte, sur laquelle on tambourine et jamais elle ne s’ouvre, et derrière il y aurait quoi ? L’amour, sans doute.
Je ne l’ai pas encore fini mais je le reconnais déjà, dans ce qu’il peut avoir de dérangeant et d’implacable, ce texte d’une traductrice qui se confronte au plus grand défi – traduire, « de soi », quelque chose qui résiste au sentiment d’imposture, de trahison, à l’oubli qui submerge et à la panique qui menace. Le tout tissé d’un intertexte très riche, qui va au-delà du procédé puisqu’il tisse la voix de la narratrice et celle des auteurs qu’elle lit/lie jusqu’à leur donner un sens nouveau – traduction, encore, de ce qui dans la littérature, dépasse le contexte pour rallier une forme d’éternité.
J’ai mis du temps à m’y plonger car je voulais pouvoir lui consacrer le temps des vraies lectures qui hantent longtemps, il est paru en octobre dernier et il vient de recevoir, ce qui est d’une parfaite justesse, le prix JJ Rousseau 2023 de l’autobiographie. Merci Sabine Huynh pour le paternoster de Leicester et cette leçon de renaissance – mille, deux mille, trois mille, Check Canopy !
Vraiment l’un des plus grands textes lus ces dernières années, exploration labyrinthique des mystères de la mémoire et de l’identité. Livre en forme de malle aux trésors perdus, comme une mise en abyme du langage lui même quand il sert à nous sauver un peu. (Adeline Baldacchino, essayiste, romancière et poète, autrice notamment de Celui qui disait non, Théorie de l’émerveil, Notre insatiable désir de magie, et De l’étoffe dont sont tissés les nuages. Note de lecture déposée sur Facebook le 29-04-2023.)
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