Nos voix persistent dans le noir, de Sylvie Fabre G.

Ce livre de pourquois m’a bien sûr rappelé le Livre des questions d’Edmond Jabès, lu il y a longtemps, grâce à mon directeur de thèse qui avait donné un cours dessus à l’université hébraïque de Jérusalem (et que j’ai dû prêter lors d’un atelier d’écriture car je ne le retrouve plus dans ma bibliothèque, à mon grand dam !).

Quand on ouvre les pages de Nos voix persistent dans le noir, que voit-on ? Un livre de dizains : deux fenêtres qui se font face (dans la kabbale, le 2 symbolise les tables de la loi, le bien et le mal ; le 5 est la valeur de la lettre hébraïque « héh », « fenêtre »). Moi j’y vois également des mains ouvertes, tendues (le 10 est la valeur de la lettre hébraïque « yod », « main » ; on peut bien sûr aussi penser aux paroles de la création et aux dix plaies d’Egypte…).

Les poèmes de ce livre de la taille d’une paume sont des rectangles de lumière, des radeaux de rescapés (« Vivants nous ne sommes jamais très loin des morts »), avec leurs mots qui s’efforcent encore d’offrir du réconfort malgré les temps apocalyptiques actuels. On comprend en lisant pourquoi Sylvie Fabre G. a choisi le dizain : c’est à la fois une « porte dérobée » et une « stèle » où graver le poème, « la plainte des survivants ».


Depuis toujours, Sylvie Fabre G. écrit pour ses frères et sœurs humains, tentant de préserver ce qu’il y a de bon en eux, en nous, ce qui nous sauve, les luttes (des Sorcières et autres Panthères premières) pour se libérer de tout joug.

Extraits de deux dizains :

Si la vie est rythmique universelle, consciente émotive
dans le fusionnement l’empreinte et la séparation
du moi avec l’autre, une langue l’invente, t’invente
dans l’étrange familiarité d’un partage qui nous relie
à la nature et aux arcanes d’un lointain jamais mort.

Nos voix persistent dans le noir, de Sylvie Fabre G. Editions L’herbe qui tremble, 2021.

Si plus personne n’enracine l’amour, même en songe,
si la terre des origines perd ses arbres ses bruits d’ailes
et ses chants, nous connaissons le manque.
Le monde ne tient plus qu’à un dehors meurtri
et la mort, affranchie, nous tombe dessus.

Nos voix persistent dans le noir, de Sylvie Fabre G. Editions L’herbe qui tremble, 2021.

(Sabine Huynh, 05/06/2022)

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